L'insoumise de la Porte de Flandre (Fouad Laroui)

note: 4ou comment traiter d’un sujet d’actualité brûlante avec détachement et intelligence.Anonyme - 21 septembre 2018

C’est toujours un plaisir d’ouvrir un livre écrit par l’un de vos auteurs préférés. La sortie de ce court roman (130 pages seulement) m’avait totalement échappé mais voilà que cette histoire atterrit cette semaine entre mes mains, un peu par hasard.

Fouad Laroui, malicieux auteur maroco-néerlandais, écrit souvent directement en français et c’est une chance, un atout pour notre langue. Cependant, dans le cas présent, pas de jeu avec l’écriture, peu avec le langage. Non, ce pourquoi je voulais rédiger cet avis, c’est son sujet.

Alors, de quoi est-il question ici ? Ne vous enfuyez pas, je veux vous convaincre de lire une histoire d’islamisme, de radicalisation, de fait divers. Fatima, habillée en hijab (voile qui couvre les oreilles, le cou, les cheveux, laissant uniquement voir l’ovale du visage), sort d’un immeuble de Molenbeek. Elle traverse le quartier puis la ville, entre dans un immeuble de Bruxelles pour se débarrasser de sa tenue. Elle en ressort « occidentalisée » et ne s’arrête pas là. Sa transformation sera encore plus surprenante, pour le lecteur comme pour certains habitants…

Habituellement, Laroui a un style amusant et ses propos sont bourrés d’humour, notamment les situations dont le ridicule saute aux yeux. Ici, le sujet ne prête pas à la gaudriole donc il va falloir traiter le lecteur avec intelligence et prudence : il installe ses personnages dans une réalité, des lieux effectifs, un fond d’actualité prégnant. Cette réalité est contrebalancée par l’utilisation d’un point de vue interne des personnages, traités tour à tour. Le lecteur connaît la pensée intime de chacun des personnages (ils sont peu nombreux, c’est donc très simple à suivre), et en additionnant tous ces points de vue, finit par être omniscient.

Croire que tout cela va rester sérieux, c’est mal connaître le sieur Laroui. Il fallait bien que ce brillant auteur ait un but caché : vous voici aux trois-quarts de l’histoire (après 100 pages seulement, rappelons-le) dans une farce qui moque les débats médiatisés, les interprétations de faits-divers par « une éminente brochette de spécialistes ». Après lecture, la chaîne d’info BFMTV vous semblera encore plus risible.

Bref, voici un court récit qui ne prend pas son lectorat pour une masse de crétins, qui l’accompagne et le récompense. Un roman tout sauf plombant, qui laisse une trace dans les esprits. Bon, si vous êtes frileux, ouvrez au hasard L’étrange affaire du pantalon de Dassoukine : c’est un recueil de nouvelles du même auteur et c’est idéal à mettre dans la valise !